LA DOUBLE PRISE EN CHARGE : ESMS et établissements sanitaires

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La situation de la double prise en charge est très épineuse et complexe et dure depuis de nombreuses années.
 
En théorie, les établissements médico-sociaux et sanitaires perçoivent des dotations (subventions financières publiques) pour permettre à tous les patients intégrés dans ces établissements de bénéficier de soins pluridisciplinaires complets en fonction de leurs troubles et de la sévérité de leurs troubles. Ces établissements devraient pouvoir proposer aux patients tous les soins dont ils ont besoin (psychologie, kinésithérapie, ergothérapie, psychomotricité, orthophonie etc …). Ces dotations sont globales c’est-à-dire qu’elles ne sont pas fractionnées ni fléchées en fonction de la nature des soins pour lesquels elles sont données. De fait, chaque établissement les utilise comme ils peuvent/veulent. Normalement, comme c’est de l’argent public, l’utilisation devrait être contrôlée par les institutions compétentes.
 
Depuis de très nombreuses années, les postes d’orthophonie en salariat disparaissent pour de nombreuses raisons. De fait, les patients de ces établissements qui nécessiteraient une prise en soins orthophoniques au sein de ces établissements n’y ont pas accès. Et, quand il existe encore des orthophonistes salariés dans ces établissements, ils ne peuvent pas recevoir tous les patients qui en ont besoin (1 orthophoniste pour 200 patients par exemple) pour les bilans et les rééducations individuelles. Souvent, l’orthophoniste a davantage un rôle de coordinateur avec les soins de ville (orthophonistes libéraux). Les décideurs successifs des gouvernements (ministères, CNAM ..) ont pris différentes décisions vers un seul objectif : le virage ambulatoire c’est-à-dire que de nombreux soins qui devaient être initialement réalisés dans ces établissements (médico-sociaux et sanitaires) peuvent être réalisés en soins de ville (par des professionnels de santé libéraux dans leurs cabinets). C’est ce qu’on appelle également l’externalisation des soins.
 
  • Etablissement Médico-Sociaux = ESMS = CAMSP, IME, SESSAD, CMPP, ITEP, IEM, Instituts pour déficients auditifs/visuels …
  • Etablissements sanitaires : CMP, HDJ, SSR … 
 
Pour ce qui concerne les soins orthophoniques, quasiment tous les établissements externalisent les soins orthophoniques : dans ce cas, la loi indique que la CPAM/CGSS (qui paie initialement les soins dans ces établissements via les dotations globales) ne paiera pas ces soins en libéral une seconde fois car, sinon, c’est ce qu’on appelle la double prise en charge. Par conséquent, les établissements ont l’obligation de proposer une convention de partenariat à l’orthophoniste libéral pour que le patient concerné puisse bénéficier des soins orthophoniques dont ils ont besoin mais à l’extérieur de ces structures. Ensuite, l’orthophoniste libéral choisit d’accepter ou de refuser cette convention. S’il l’accepte, le patient bénéficie de soins orthophoniques et c’est l’établissement qui règle les honoraires de l’orthophoniste (donc pas de facturation avec la carte vitale). Si l’orthophoniste refuse la convention, le patient ne peut pas bénéficier des soins orthophoniques avec cet orthophoniste. 
 
Les lois correspondantes (notamment le PLFSS) indiquent la chose suivante : si la CPAM/CGSS contrôle et s’aperçoit d’une situation de double prise en charge (orthophonie libérale avec facturation carte vitale (c’est-à-dire absence de convention) pour un patient intégré dans un établissement médico-social ou sanitaire, elle réclamera des indus …. aux orthophonistes libéraux concernés.
 
En pratique, sur le terrain, les choses sont beaucoup plus complexes. En effet, certains établissements sont rigoureux et respectueux de la loi et proposent une convention systématiquement aux orthophonistes libéraux et informent les familles de la situation. D’autres établissements sont moins scrupuleux et fonctionnent davantage sur le principe du (permettez-moi l’expression) « pas vu, pas pris », laissant l’orthophoniste faire son travail avec le patient et facturer en soins de ville (avec carte vitale) sans être informé du suivi du patient par un établissement. Certains établissements vont même jusqu’à conseiller aux familles de ne pas dire aux orthophonistes libéraux que le patient est suivi par leurs soins.
Autrement dit, l’orthophoniste libéral qui fait son travail auprès de son patient se verra peut-être un jour toqué par la CGSS/CPAM qui lui demandera des sommes assez conséquentes à rembourser (alors qu’il a fait son travail et que l’établissement non) alors qu’il n’était pas au courant de l’intégration du patient dans l’établissement. Créant, de facto, beaucoup de craintes et de méfiance (voire d’angoisses) chez les orthophonistes libéraux.
 
Depuis début 2025, après de nombreuses heures d’échanges entre notre Syndicat National (la FNO) et les interlocuteurs ministériels, parlementaires et de la CNAM et face à de nombreuses inquiétudes des orthophonistes libéraux, le PLFSS 2025 indique désormais que si la CPAM/CGSS s’aperçoit d’une double prise en charge, les indus seront automatiquement imputés aux établissements. Mais cela ne concerne que les ESMS (médico-social). 
 
Concernant les établissements sanitaires (CMP, CMPEA, HDJ, SSR …), la loi est différente. La CNAM, il y a quelques mois, a voulu réinformer les établissements sanitaires sur la loi/la règle : ces établissements perçoivent des subventions pour tous les soins dont leurs patients ont besoin et notamment l’orthophonie. Dans ce cas, s’ils ne peuvent pas proposer des soins orthophoniques au sein de leurs structures (pas d’orthophoniste salarié ou pas en nombre suffisant pour tous les patients de la structure), l’établissement d’une convention est obligatoire dans tous les cas de figures. Si le motif de consultation orthophonique n’est pas en lien avec le motif d’admission dans cette structure sanitaire, l’orthophoniste facturera ses honoraires à la CPAM/CGSS. Si le motif de consultation orthophonique est en lien avec le motif d’admission dans cette structure sanitaire, cette dernière devra payer les honoraires de l’orthophoniste libéral. Ce qui a engendré un véritable raz de marée autant chez les orthophonistes libéraux que dans ces structures sanitaires. Depuis, des échanges sont en cours pour tenter de solutionner cette problématique au niveau national.
Nous attendons tous avec impatience les conclusions de ces échanges fin 2025.
 
Cela fait des années que la FNO se bat pour que l’orthophonie en salariat perdure voire s’améliore autant pour les patients que pour les orthophonistes (salariat et exercice libéral). Nous étions encore dans la rue le 18 septembre à ce sujet. 
Les orthophonistes libéraux n’ont pas la possibilité de recevoir et les patients tout-venant (n’ayant aucune prise en soins dans un quelconque établissement) et la plupart des patients intégrés dans un établissement. Nous ne sommes pas assez nombreux pour faire et le travail en libéral et le travail en salariat. Cela nous met face à des questionnements éthiques insolubles.
Certains orthophonistes libéraux prennent en charge des patients intégrés dans une structure et sont sous convention. D’autres refusent systématiquement. Il n’y a aucune bonne ou mauvaise réponse à cette situation.
 
 
J’ai l’habitude de dire que : 
– les patients comme les orthophonistes (salariés et libéraux) sont des dommages collatéraux de décisions délétères
– les orthophonistes n’ont pas à assumer des responsabilités qui ne sont pas les leurs. 
– nous faisons toujours au mieux en pensant d’abord à nos patients
– avec moins, nous ne pouvons pas faire plus
 
La solution la plus pérenne et la plus juste pour tous serait que chaque établissement puisse avoir, en son sein, des orthophonistes salariés qui assureraient toutes leurs missions auprès de leurs patients. Malheureusement, cette solution n’est pas envisagée.
 
Comme vous pouvez le constater, les enjeux sont vastes et complexes.
 

Sources d’informations fiables à ce sujet : https://fno.fr/?s=double+prise+en+charge

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