Le contrat de remplacement

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Article paru dans l’Orthophoniste,

par Maude Premier, juriste de la FNO

 

Le remplacement entre professionnels de l’orthophonie n’est pas régi par un texte législatif ou réglementaire. C’est ce que l’on appelle un contrat “sui generis” (de son propre genre). Du fait de sa nature singulière, ce contrat s’avère inclassable dans une catégorie déjà connue.

Toutefois, ce contrat doit répondre aux conditions de validité de toute convention prévue à l’article 1108 du code civil :

  • Consentement de chacune des parties qui s’oblige : volonté d’être remplacé et volonté d’assurer les soins auprès des patients du remplacé.
  • Capacité de contracter.
  • Objet certain qui forme la matière de l’engagement : le contrat a pour objet le remplacement d’un professionnel auprès des patients qu’il suit.
  • Cause licite : les motifs personnels qui ont conduit les parties à contracter doivent être conformes à la morale et à l’ordre public.

 

OBJET DU CONTRAT

L’objet du contrat de remplacement consiste à pourvoir à une cessation d’activité pour une durée déterminée de manière à empêcher toute dépréciation du cabinet.

Comme tout contrat, le contrat de remplacement présente des intérêts pour les deux parties. Il permet au remplacé d’être assuré de la continuité des soins auprès des patients.

Pour le remplaçant, c’est l’occasion d’avoir une expérience professionnelle en libéral.

Par sa nature même, le remplacement implique une cessation d’activité, qu’il convient de préciser.

L’article 7 de la convention d’octobre 1996 destinée à organiser les rapports entre les orthophonistes et les caisses d’assurance maladie prévoit que ” l’orthophoniste remplacé s’interdit, dans le cadre conventionnel, de toute activité concomitante à celle du remplaçant au moment effectif de son remplacement.”

 A – Modalités de l’arrêt

La cessation doit être temporaire. Le contrat de remplacement est nécessairement conclu pour une durée déterminée. Etabli au minimum pour une durée de 10 jours (volonté de la FNO), sa durée maximum n’est pas envisagée par un texte.

Toutefois, l’article 1128 du code civil précise que la clientèle est hors commerce. Cela signifie que le code interdit tout contrat (vente, location, gérance) portant sur la clientèle.

Donc le remplacement de longue durée, sur le fondement de cet article, est assimilé à une gérance civile.

L’administration fiscale peut alors estimer qu’il s’agit d’une location de longue durée et exiger le paiement de la TVA.

En conséquence et pour ces deux raisons, il convient de le limiter à une durée de six mois avec possibilité de le renouveler, le cas échéant, si la situation des cocontractants le justifie.

La cessation peut être totale. Dans le cas d’une cessation temporaire et totale, quel que soit le lieu d’exercice et dans le cas où un orthophoniste dispose de deux cabinets (un cabinet principal et un cabinet secondaire), ce dernier ne peut en aucun cas se faire remplacer dans l’un pendant qu’il exerce dans l’autre.

La cessation peut être partielle. La cessation partielle n’est envisageable que dans les cas suivants : indication thérapeutique (mi-temps thérapeutique), mandat électif, formation professionnelle pour un cycle de longue durée, circonstances familiales particulières obligeant à l’arrêt partiel de l’activité pour une longue durée.

La cessation doit être effective. Que la cessation d’activité soit temporaire et complète ou temporaire et partielle, il n’en reste pas moins qu’elle doit être effective sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, le remplacé ne doit exercer son activité libérale dans un autre cabinet, quel qu’il soit, y compris hors métropole.

La cessation doit être volontaire : elle est le fait du remplacé.

Un orthophoniste, interdit d’exercer par décision disciplinaire (interdiction temporaire ou définitive visée par la convention d’octobre 1996) ou judiciaire, ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction.

B – Motifs de l’arrêt

D’un point de vue du droit civil, les motifs de l’interruption d’activité peuvent être divers. Mais, d’un point de vue du droit fiscal, une instruction de la direction générale des impôts du 15 mars 1977 prévoit les cas pour lesquels une exonération de TVA existe : congés annuels, maternité, maladie. Il est souhaitable d’étendre celle-ci au service militaire, mandat électoral, congé pour études et encore à l’année sabbatique.

 

LE STATUT DES PARTIES

Remplaçant et remplacé partagent le même statut dans le sens où chacun est un professionnel libéral à part entière.

A ce titre, les lois du 10 juillet 1964 et du 15 juin 1971 ainsi que les décrets du 25 mars 1965 et du 24 août 1983, définissant les conditions d’exercice de la profession d’orthophoniste, s’appliquent à eux.

Ainsi, tous deux sont titulaires du certificat de capacité d’orthophoniste. Le diplôme est enregistré à la direction départementale de l’action sanitaire et sociale du département de sa résidence professionnelle; à savoir du cabinet pour le remplacé et de son domicile pour le remplaçant.

Le contenu du contrat est déterminé par la volonté des parties (article 1134 du code civil) et fait naître à la charge des parties des obligations réciproques (contrat synallagmatique) qui correspondent à des obligations de faire ou de ne pas faire (article 1101 du code civil). En cas d’inexécution des obligations prévues dans le contrat, l’article 1142 du code civil, prévoit l’octroi de dommages et intérêts.

A – Obligations à la charge du remplaçant

Le remplaçant s’engage à assurer des soins attentifs aux patients avec la préoccupation de leur donner satisfaction. Il exerce son art en toute indépendance.

Responsable de son activité professionnelle, le remplaçant doit souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle, sauf si l’assurance contractée par le remplacé peut le couvrir. Renseignez-vous par avance.

Le contrat est conclu en vue d’empêcher toute dépréciation du cabinet pendant l’absence du remplacé. Le remplaçant doit donc tenir la clientèle attachée au cabinet pour que celui-ci conserve sa valeur patrimoniale. En conséquence, il ne peut revendiquer la patrimonialité de la clientèle, et ce même pour les patients qui prendraient directement rendez-vous avec lui pendant le remplacement.

Le remplaçant a l’usage des locaux professionnels et dispose du matériel professionnel. Il doit les utiliser en “bon père de famille”, s’abstenant ainsi de toute dégradation ou usage différent (notamment pour le local). Il s’engage à maintenir les locaux, le mobilier et le matériel professionnels dans le même état qu’au moment de la signature du contrat. Pour éviter tout litige sur l’état de ces biens lors de leur restitution, il est préférable de dresser contradictoirement un état des lieux le premier et le dernier jour du remplacement.

Il signe la délivrance des soins et l’acquit des honoraires sur les feuilles de soins pré-identifiées du remplacé, sur lesquelles il aura porté la mention “M. ou Mme X, remplaçant de M. ou Mme Y”.

Il perçoit directement auprès de la clientèle les honoraires relatifs aux actes exécutés et verse au remplacé une rétrocession. Cette participation financière est un pourcentage de l’activité professionnelle, à savoir des actes facturés. Il correspond aux frais de fonctionnement du cabinet (les loyers et charges locatives, le téléphone, l’électricité, l’eau, le chauffage, les timbres et la papeterie), à l’exclusion des charges sociales, fiscales et personnelles du remplacé.

Généralement, les frais de gestion de cabinet tournent autour de 20 % mais chaque cabinet possède ses particularités.

Il s’engage, à l’expiration du contrat, à s’interdire d’exercer la profession d’orthophoniste à titre libéral – limitée à la non-installation professionnelle du remplacé – pendant une période proportionnelle à la durée du contrat de remplacement (le double voire le triple) dans la zone d’influence du cabinet. Lorsque le remplacement excède trois mois consécutifs, cette clause peut faire partie du contrat : elle précisera la durée, la zone géographique couverte et le mode d’exercice visé.

B – Obligations à la charge du remplacé

L’orthophoniste remplacé s’engage à cesser son activité temporairement de manière complète ou partielle. Il doit donc mettre à la disposition de son cocontractant les locaux et les moyens d’exercice de la profession.

En vertu du principe du libre choix du patient de son thérapeute, la clientèle conserve la faculté d’accepter ou de refuser la prise en charge des soins par le remplaçant.

Il doit informer de son remplacement la CPAM dont dépend le cabinet.

Il communique les nom et prénom du remplaçant ainsi que les dates et la durée du remplacement.

Il s’acquitte de ses cotisations sociales personnelles et des frais de gestion du cabinet.

Il contrôle les rétrocessions versées par le remplaçant.

Il laisse au remplaçant toute indépendance. Il ne peut se comporter comme son employeur en imposant les modalités de l’exercice du remplacement (méthodes de travail, horaires …).

Toutefois, à ce sujet, je n’insisterai jamais assez sur l’importance des entretiens préalables au remplacement, au cours desquels il est indispensable pour le remplaçant de bien connaître les modalités de l’exercice du remplacé afin d’assurer une continuité dans la prise en charge des patients.

Contenu des entretiens préalables informant le remplaçant des usages du remplacé : jours et heures de présence, durée des séances, techniques et méthodes employées, matériel utilisé, tenue des dossiers, des fichiers, réponses au téléphone, établissement des feuilles de soins, élaboration des bilans destinés aux caisses sociales, courriers aux prescripteurs et interlocuteurs du cabinet, fréquence des règlements, dates et durée des congés…. Tant de modalités souvent non précisées au cours des entretiens préalables et qui engendrent parfois des litiges entre les parties.

Il est nécessaire enfin de discuter de la passation des dossiers qui seront laissés à la charge du remplaçant, afin de lui permettre une bonne connaissance des patients et donc un bon suivi des rééducations.

En conclusion, le contrat assurera une protection juridique des parties mais définira également leur situation vis à vis de l’administration fiscale ou des caisses sociales.

Il faut, en effet, éviter un assujettissement à la T.V.A. et proscrire tout lien de subordination entre les parties qui permettrait aux URSSAF de “ requalifier ” le statut du remplaçant en un statut de salarié (par exemple, si le remplaçant ne prend aucune initiative personnelle, agissant sans aucune responsabilité, sous le contrôle du titulaire).

 

LE CONTENU DU CONTRAT DE REMPLACEMENT

Empêché d’exercer son activité professionnelle libérale, un orthophoniste titulaire de sa clientèle ou collaborateur, peut se faire remplacer par un confrère, auprès des patients qu’il soigne.

 

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